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André Vingt-Trois

Ancien archevêque de Tours, le cardinal André Vingt-Trois a fêté ses 80 ans le 7 novembre...

Archevêque de Tours de 1999 à 2005, Mgr Vingt-Trois a répondu aux questions du magazine diocésain Paris Notre-Dame à l'occasion de ses 80 ans, questions sur ses années de prêtrise, sa relation à Dieu, sa vision de la société et de l’Église. Extraits.

Comment recevez-vous cette nouvelle dizaine qui s’ouvre pour vous ?

Avec beaucoup de sentiments mêlés. J’essaie de comprendre ce que Dieu veut me dire à travers ce supplément de vie. Qu’attend-il de moi ? Je pense à cette phrase de saint Paul : « La mort fait son œuvre en nous pour que la vie fasse son œuvre en vous » (2 Co 4, 12). Je m’efforce d’interpréter ce temps qui passe, avec les handicaps et les difficultés propres à l’âge, non pas seulement par rapport à moi, à ma vie, mais par rapport à l’Église. Pendant une cinquantaine d’années, mon service de l’Église a été de faire un certain nombre de choses. Ce n’est plus le cas. Maintenant, mon service de l’Église s’inscrit dans la manière dont j’accepte, j’assume, je porte, les difficultés de l’âge, l’usure, la disparition des forces, non pas comme un signe d’échec ou d’anéantissement mais comme un signe que cette vie, qui est en train de me quitter, fleurit par d’autres.

Aujourd’hui, après deux années de Covid-19, la guerre en Ukraine, la crise économique, énergétique, écologique... l’avenir peut paraître angoissant. Comment continuer à appréhender la vie comme une bonne nouvelle ?

Nous vivions dans une société d’abondance, de consommation, de jouissance et d’individualisme. Ma première réaction est de dire : « On a cassé les joujou. » Cet effritement est à peu près du même ordre que ce qui s’est passé entre la Première et la Deuxième Guerre mondiale. Sauf que la vie était alors plus difficile. Dans les années 1930-1940, une partie importante de la population française et la plus jeune – la génération de mes parents – a été transplantée dans les villes. Pendant ce temps-là, c’était les Années folles. Personne ne pensait que cela pourrait ne pas durer. Et cela n’a pas duré. Dans des conditions différentes, nous avons aujourd’hui une société qui se représente elle-même comme une caisse mutuelle où on peut trouver de l’argent pour faire ce qu’on veut. Manque de chance, il n’y a plus d’argent. D’où le spleen et l’angoisse devant l’avenir. Ce qui me rend plus optimiste, c’est que la réalité ne correspond pas à l’image médiatique qu’on en donne. Il y a des personnes qui affrontent l’existence, qui se marient, ont des enfants, essaient de les élever, essaient de travailler, recommencent quand cela ne fonctionne pas…

Cela réinterroge notre vision et le sens de la vie…

À quoi accordons-nous de l’importance ? Le sens de la vie est de faire ce qu’on a à faire. Nous sommes dans une société où un certain nombre de personnes voient leur avenir uniquement comme des victimes, si possible indemnisées et prises en charge. Des personnages politiques de différents courants se définissent comme des protecteurs. Seulement, ils peuvent nous protéger d’un certain nombre de choses mais ne pourront pas nous protéger de la mort. Alors, ils essaient de contourner le problème en faisant en sorte que la mort se passe en douceur, en éliminant ceux qui souffrent trop… Mais ce n’est pas de cette protection-là dont nous avons besoin. Nous avons besoin d’être protégés contre l’inaction, le découragement, contre le manque d’énergie.

(...)

Comment alors retrouver le sens d’une vie digne ?

La seule dignité qui vaille est la dignité de l’amour. Ce qui nous rend digne, c’est d’être aimé. Il ne s’agit donc pas d’une ressource dont nous pouvons disposer à notre gré mais un cadeau que nous pouvons chercher et recevoir gratuitement.

Propos recueillis par Isabelle Demangeat, pour Paris Notre-Dame