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L'art du compromis

En politique, à qui et à quoi se fier ? Eléments de réponse du père Jean-Marie Onfray...

Le père Jean-Marie Onfray nous livre "quelques réflexions dans la perspective des élections à venir..."

Nous sommes entrés dans les cent jours qui précèdent les prochaines élections présidentielles. Dans la démocratie française, ces élections sont un rendez-vous essentiel. Ainsi en 2017, au premier tour, le taux d'abstention était de 21,3% (alors qu'au premier tour des  législatives qui suivaient, il était de 51,3). Il est donc prioritaire, dans la situation de pandémie que nous connaissons et en fonction de la forte baisse du moral des français, de stimuler la démarche citoyenne qui consiste à aller déposer un bulletin de vote dans les urnes. Le jeu médiatique qui exploite les conflits idéologiques avec le puissant relais contemporain des réseaux sociaux risque de dissuader de nombreux électeurs de faire un choix responsable. La première mission des chrétiens est de valoriser les enjeux politiques et de ne pas abonder dans la critique a priori destructrice de toute confiance. Nous vivons dans une démocratie, même si parfois nous pouvons nous interroger sur le respect des libertés fondamentales. 

Ne nous laissons pas voler le vote démocratique !

Nous vivons un pluralisme politique reconnu dans l'Église depuis le rapport Matagrin de 1972. Il y a donc plusieurs manières de mettre en œuvre dans les circonstances historiques les exigences évangéliques. L'Église ne donne plus de "consignes" de vote, mais propose des critères de discernement. Traditionnellement, les catholiques votent en fonction de leur enracinement culturel et sont plutôt attentifs à l'ordre, à la mesure et à la paix entre tous. Cependant, certains sont très sensibles à telle ou telle réalité sociétale et s'enflamment pour une cause : les uns pour la sauvegarde de la famille et de la vie humaine dans sa fragilité, les autres pour l'attention aux plus pauvres et aux étrangers. Il est, alors,  souvent difficile de les faire dialoguer, comme si les idéologies l'emportaient sur l'analyse rationnelle de la réalité. Historiquement, nous avons connu des fractures, y compris au sein des familles, autour de divisions qui semblaient définitives. Et si nous prenions le temps de nous écouter ?

N'oublions jamais que la politique est l'art du compromis !

Peu de catholiques méditent l'Écriture pour discerner leur choix politique et plus largement leur choix de vie. Il ne s'agit pas, bien sûr, de chercher dans l'Écriture la réponse à nos questions... mais de discerner à la lumière de la Parole de Dieu pour lire les signes des temps et nous engager de manière responsable. La politique n'est pas affaire de discours, mais de réflexions, d’analyses et d'actions au quotidien. Nous savons le piège des "promesses électorales" qui n'engagent que ceux qui y croient ! Nous connaissons le risque d'instrumentalisation de la religion (ou de l'histoire) pour défendre des causes. Nous sommes facilement victimes des "simplismes" ou des oppositions binaires, alors que la réalité est toujours complexe. Nous participons à cette société post moderne qui fabrique des "victimes" et des "identitaires", pour valoriser les minorités. Qui n'est pas avec nous est "contre nous"... ?

Le Fils de l'homme nous rappelle que son Royaume n'est pas de ce monde !

Les catholiques ont les mêmes préoccupations que leurs contemporains, car ils sont affrontés aux mêmes difficultés d'existence. Mais, ils sont invités à avoir le souci de leurs frères (prochains... dont ils se font proches !), ils devraient avoir aussi une attention toute particulière aux plus fragiles (blessés de la vie) et gardent en mémoire la parole de l'Evangile : "Ce que vous avez fait au plus petit d'entre mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25). Ils avancent avec prudence, courage, justice et tempérance (les 4 vertus) autant qu'il leur est possible, en s'appuyant sur le don de Dieu qui s’appelle Foi, Espérance et Charité. Leur foi n'est pas un ensemble de doctrines, mais la relation vivante à une personne : Jésus Christ mort et ressuscité. Ils savent que ce qui les guide et les juge, c'est leur style de vie (et non leur discours) et rayonnent dans l'humilité.  Hélas, souvent leur Bonne Nouvelle a été "récupérée" pour fortifier une quête de pouvoir.

Suivre le Christ, c'est toujours accepter de prendre sa croix !

Alors, prenons le temps de nous informer, de ne pas nous enfermer dans une ligne de pensée. Ne cherchons pas à diaboliser ceux qui pensent différemment. Souvenons-nous qu'il y va du visage international de notre pays et de la paix sociale dans notre pays. Tout homme politique démocratiquement élu ne peut gouverner qu'avec une majorité de ses concitoyens derrière lui, pour le service du Bien Commun et donc de tous. Pensons aux enjeux de santé, d'éducation, de travail partagé, de justice sociale, d'équilibre de vie dans la durée, d'attention aux plus pauvres, de défense et de sécurité nationale. Ne cherchons pas un "sauveur"... les chrétiens en ont déjà un ! N'imaginons pas la personne providentielle, c'est ainsi que sont apparus certains autocrates au cours de l'histoire. Et surtout n'oublions pas qu'à l'heure de la mondialisation de l'économie et des idées, la liberté de manœuvre des responsables politiques est relative et qu'ils doivent désormais être plus à l'écoute des "opinions publiques".

L’unité est vraiment plus puissante et plus féconde que le conflit ! (Pape François)

Père Jean-Marie Onfray       

A noter :

Retrouvez ces questions politiques dans l'émission "Ronds de serviettes" du 28 janvier 2022, sur RCF Touraine Saint Martin.