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Cinéma

En salle le 19 septembre, Fortuna est l'histoire d'une jeune éthiopienne de 14 ans qui est accueillie avec d’autres réfugiés par une communauté religieuse dans un monastère des Alpes suisses. Elle y rencontre Kabir, un jeune africain dont elle tombe amoureuse. C’est l’hiver et à mesure que la neige recouvre les sommets, le monastère devient leur refuge, mais aussi le théâtre d’événements qui viennent ébranler la vie paisible des chanoines. Vont-ils renoncer à leur tradition d’hospitalité ? Parviendront-ils à accompagner Fortuna vers sa nouvelle vie ?...

ENTRETIEN AVEC GERMINAL ROAUX, réalisateur

Germinal Roaux, poète de cinéma, a imposé, avec ses trois premiers films, un nouveau regard sur la réalité contemporaine et une écriture immédiatement personnelle, fixée dans le noir et blanc. Dès son premier court métrage, Des tas de choses (2003), évoquant la situation d’un handicapé mental dans notre société, l’émotion était au rendez-vous : « 28 minutes de grâce absolue ; un supplément d’âme », écrivait alors Pierre Assouline dans Le Monde. En 2007, Icebergs, abordant le mal-vivre des ados en banlieue, décrochait le prix du Meilleur Espoir au Festival International du film de Locarno, avant d’être primé à Soleure. Quant à son premier long métrage, Left Foot Right Foot (2013), nouvelle tranche de vie juvénile intense oscillant entre amour lancinant et dérive autiste, il a cumulé les récompenses suisses et internationales.

2018 marque une nouvelle avancée pour le réalisateur quadra, avec Fortuna, invité au Festival de Berlin dans la section Génération, en février, et programmé au Festival des Droits Humains de Genève, en mars. En cours de montage, sur la base d’un «rough cut », Germinal Roaux a déjà été récompensé, par le Filmmaker Award 2016, au Festival International du Film de Zürich, d’une somme de 60 000 euros pour la finalisation de son film.

Quelle a été la genèse de Fortuna ?

Mes projets de cinéma démarrent toujours avec une rencontre dans la vraie vie. Pour Left Foot Right Foot, c’était la découverte de ces jeunes filles qui se prostituent occasionnellement pour s’acheter des fringues de luxe. Cela m’a questionné sur notre société et le monde du paraître. Pour Fortuna, ça a commencé avec ma compagne comédienne, Claudia Gallo, qui a été engagée à Lausanne par le CREAL (Centre de ressources pour élèves allophones) afin d’encadrer des enfants roms qui traînent dans la rue. De fil en aiguille, on lui a demandé de s’occuper de mineurs non accompagnés, que j’ai rencontrés à mon tour et dont les histoires m’ont bouleversé, notamment le récit d’une jeune adolescente tombée enceinte pendant son exil, qui préfigure celui de Fortuna. La situation de ces jeunes exilés était si déchirante, leurs récits si forts et courageux qu’il me fallait parler d’eux, faire quelque chose. Nous sommes tous désarmés devant ce qui se passe en Europe, en Méditerranée avec les traversées cauchemardesques auxquelles on assiste sur nos écrans et par nos radios, sans pouvoir aider. C’est terrible de se sentir impuissant  devant tant de souffrance. Toutes ces réflexions nées de mes rencontres avec ces jeunes m’ont appelé à écrire l’histoire de Fortuna. Durant les premiers mois d’écriture, j’ai fait des recherches sur l’accueil des réfugiés en Suisse et c’est là que j’ai découvert que, pour pallier le manque de place dans les centres de requérants, des frères du monastère d’Einsiedeln en avaient accueilli chez eux.

Du coup, cela a résonné en moi et m’a donné envie de situer le film à l’hospice du Simplon, j’aimais ce lieu que je connaissais pour y avoir déjà fait des photos. Ma rencontre avec les chanoines du Simplon a été déterminante dans l’écriture du projet Fortuna. Mois après mois mes carnets de notes se sont remplis comme un herbier, une collection d’idées et de mise en relation qui ont fini par aboutir à un projet de long métrage.

Comment êtes-vous passé de celui-ci à la réalisation ?

J’avais commencé à écrire un traitement d’une trentaine de pages, puis je suis allé voir la productrice Ruth Waldburger. Elle a tout de suite été intéressée et m’a dit : on y va. Et quand Ruth dit qu’on y va, on y va vite. J’avais un délai de trois mois pour déposer un dossier à Berne, afin d’obtenir les fonds d’aide à l’écriture. Ainsi me suis-je attelé au scénario, que j’ai élaboré en collaboration avec ma compagne dont la connaissance du sujet sur le terrain a été une aide précieuse tout comme le soutien de mon ami Claude Mure. Ensuite tout est allé très vite…

A noter :

Les cinémas Studio l'ont à l'affiche du 19 au 23 septembre à 14h15 et 19h30.