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Ecologie et transports

"Comment économiser l'énergie dans les transports ?..." Telle était la question posée par Jean-Marie Beauvais, consultant, lors d'une conférence donnée à la Maison diocésaine, le 8 janvier dernier, dans le cadre de la formation sur les "changements climatiques et modes de vie". Une question également posée dans la revue "Transport, Infrastructure et Mobilité". Extraits...

CO2 et consommations d'énergie : une évolution défavorable

En France, le transport est (en 2016) le secteur le plus émetteur puisqu’il compte pour 41 % des émissions totales de CO2 (tableau 1). Plus étonnant encore, par rapport à l’année 1990, il est le seul à présenter une augmentation (+7,1 Mt CO2 ou encore +6 %) alors que tous les autres secteurs ont connu une baisse de leurs émissions, et qu’au niveau du total, tous secteurs confondus, la baisse est de 15 %.

(...) En matière de transport de voyageurs , l’essentiel de l’augmentation vient des véhicules particuliers. En effet, le trafic total est passé, entre 1990 et 2016, de 732 à 932 milliards de voyageurs-km soit une augmentation de 200 milliards de voyageurs-km dont 156 pour les véhicules particuliers. En matière de transport de marchandises (tableau 4), toute l’augmentation vient du transport routier. 

Or, ce mode est plus consommateur d’énergie par unité de trafic que le transport ferroviaire ou le transport fluvial.

Quant à l’évolution de l’efficacité énergétique du secteur, elle est liée à celle de la voiture particulière et du camion puisque qu’ils représentent plus des 8/10ème des parcours. Or la consommation réelle des voitures est passée, entre 1990 et 2016, de 8,68 à 7,27 litres aux 100 km pour les motorisations essence et de 6,73 à 6,06 litres aux 100 km pour les motorisations diesel. Finalement, la baisse n’a donc été que de 0,5 % par an en moyenne car les efforts des constructeurs ont été quasiment annihilés par l’augmentation du poids des véhicules, de la vitesse de pointe et de la surconsommation imputable à la climatisation (sans parler de la percée des SUV depuis une dizaine d’années). D’ailleurs, la puissance moyenne installée sur les véhicules a augmenté à un rythme soutenu : de 55 kW en 1990 à 86 kW en 2016 (soit +56% !).

La mobilité des personnes augmente

La principale cause d’augmentation de la consommation d’énergie qui a pu être mise en évidence dans le transport de voyageurs est donc l’augmentation de la mobilité (+27 % en 26 ans). 

Quelles solutions ?

Les choix de société

Le premier échelon à considérer est d’ordre anthropologique. La société de consommation repose sur l’imitation sans fin des classes supérieures, d’où la responsabilité de ces dernières car il est aujourd’hui admis qu’il y a un hiatus entre une croissance sans limites et des ressources finies. Le consumériste obsessif est le reflet du paradigme techno-économique, stimulé par les grandes inégalités de revenus que nous connais-sons. Seul un changement dans les styles de vie pourrait réussir à exercer une pression saine sur ceux qui détiennent le pouvoir politique, économique et social. C’est déjà ce qui arrive quand certaines associations obtiennent qu’on n’achète plus certains produits et deviennent ainsi efficaces pour modifier le comportement des entreprises, en les forçant à considérer leur impact environnemental.

Mais pour aller plus loin, il faut faire le choix personnel de la « sobriété heureuse », pour reprendre les termes du pape François, ce qui suppose une véritable conversion avec une nouvelle présence à soi-même à base de lenteur (et non pas de vitesse) et d’enracinement (et non pas d’hypermobilité).

Localisation des logements et des activités

Gardons à l’esprit que le déplacement le moins énergivore est celui qui n’est pas... nécessaire. D’où l’intérêt des mesures organisationnelles (telles que le télétravail ou le bureau de proximité).

D’où l’intérêt, aussi, pour réduire les distances à parcourir en voiture :

- A l’échelle d’une aire urbaine, d’une urbanisation assez dense autour de pôles bien desservis en transport collectif, et de centres commerciaux qui ne soient pas qu’accessibles en voiture ;

- à l’échelle d’un département, de créer des emplois dans les petites villes et de ne pas les vider de leurs services publics (tribunal, hôpital, etc) ;

- et, entre les deux, d’aménagements centrés autour des gares de façon à ce que ceux qui ne trouvent pas de travail sur place puissent gagner la gare en vélo ou à pied. C’est pourquoi, il faut encadrer la délivrance des permis de construire pour que les logements soient accessibles depuis une gare ou à défaut d’un simple point d’arrêt de transport collectif.

La difficulté avec les politiques d’aménagement du territoire tient à ce que les élus sont souvent « courtermistes ». Certes, leur mandat ne dure quelques années, mais ce n’est pas une raison suffisante pour écarter les mesures qui n’auront d’effet bénéfique qu’à moyen terme, voire même à long terme, mais qu’il faut mettre en place dès aujourd’hui.

La répartition modale

Dans la mesure où un des objectifs de la politique des transports est de réduire les consommations d’énergie et les émissions de CO2, il apparait naturel d’orienter la demande vers les modes les plus efficaces par rapport à ces critères. Sur la base de l’éco-comparateur de l’ADEME, il convient donc d’orienter nos politiques de telle sorte que l’on puisse aller dans la bonne direction et progressivement passer de la voiture et de l’avion aux transports collectifs mais aussi des modes motorisés aux modes actifs  (marche et vélo).

Tant à courte distance qu’à longue distance, il faut donc réduire la place de la voiture et l’avion et, parallèlement, offrir des solutions de rechange. Une politique visant à modifier la répartition modale ne peut se concevoir sans avoir au préalable fait les choix de société qui précèdent en matière de définition des besoins de mobilité, d’aménagement du territoire, d’amélioration des transports collectifs et des modes actifs.

Jean-Marie BEAUVAIS

NB : Les extraits ci-dessus ont été reproduits avec l'aimable autorisation de leur auteur et de la revue "Transport, Infrastructure et Mobilité", n° 513, de janvier/février 2019