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Mgr Jordy
A l'occasion de la fête de l'Ascension, et en plein début sur la "fin de vie", Mgr Jordy a rappelé que l'espérance chrétienne repose sur la foi dans le Christ ressuscité.
L'HOMELIE de Mgr Jordy
Frères et sœurs, chers amis,
Il y a deux jours, l'Assemblée nationale votait en première lecture deux projets de loi, l'un concernant les soins palliatifs, l'autre instituant un droit à mourir, en permettant très concrètement, mais courageusement, sans le dire, d'aller vers le suicide assisté et l'euthanasie. Bien sûr, nous savons que ces questions sont complexes et difficiles, mais on ne peut s'empêcher de dire avec la constitutionnalisation de l'intervention volontaire de grossesse aussi, de penser, que notre pays avance irrémédiablement dans ce que le pape Jean-Paul II appelait « la culture de mort ».
Le pape François, plus pragmatique, venu visiter le Parlement européen il y a quelques années, avait, lui, parlé de l'Europe qui est comme, je cite – et pardon pour les grands-mères – : « une grand-mère fatiguée, un continent à bout de souffle ». Une autre manière de dire que notre continent s'enfonce dans une stérilité dont les voyants clignotent un peu partout. Nous évacuons la vie.
Certains diront avec un air contrit qu'il s'agit là pourtant d'un progrès. On n'oubliera pas de rappeler alors que le réchauffement climatique et ses conséquences dramatiques sont, eux aussi, l'effet de ce que nous avons appelé durant longtemps le progrès. Un progrès qui se révèle donc ambigu et un progrès qui se révèle parfois finalement contre l'homme. Malheureusement, on ne le comprend qu'avec le temps.
1/ Face à ce glissement progressif vers une forme d'autodestruction de nos sociétés, il y a peut-être le vrai progrès.
Au-delà de nos sociétés, ce vrai progrès, c'est la solennité de l'Ascension qui vient, en cette année jubilaire voulue par le pape François, comme une source d'espérance.
Cette célébration de l'Ascension vient d'abord fonder ce qui fait notre espérance de chrétien.
Les Actes des Apôtres viennent de nous rappeler que Jésus, après sa résurrection, s'est manifesté de nombreuses fois à ses disciples, en particulier pour leur parler du royaume de Dieu. Jésus leur a demandé de rester à Jérusalem pour attendre la venue de l'Esprit Saint, le don promis par le Père. Pourtant, cet enseignement, cet accompagnement de Jésus – et cela peut sembler étonnant –, ne suffit pas à éteindre une sorte d'ambition chez les Apôtres qui en sont encore à demander à Jésus : « Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour Israël ? ». Les Apôtres semblent attendre encore une victoire imminente de Jésus, une victoire politique, sociale, nationale. Mais Jésus les recentre alors sur l'essentiel. Ils vont recevoir une force, celle de l'Esprit Saint, dans laquelle ils vont être plongés, c'est-à-dire baptisés.
Avec cette force, les Apôtres auront une mission précise à réaliser, être témoins de Jésus jusqu'aux extrémités de la terre. C'est la mission universelle de l'Église qui est ici annoncée, la mission d'annoncer que, justement, la vie a vaincu la mort.
2/ La vie a vaincu la mort, la vie n'est pas faite pour la mort. L'Ascension nous ouvre un chemin d'espérance.
En effet, rappelons-le en cette année jubilaire de l'espérance, il nous faut redire l'importance de cette vertu, cette vertu parfois difficile qu'est l'espérance.
En effet, aimer son prochain est parfois difficile, mais cela passe par des réalités très concrètes, des personnes que nous rencontrons ou que nous ne voulons pas rencontrer. La foi, la confiance, peut se comprendre elle aussi concrètement. Elle est le ciment des relations interpersonnelles.
Mais l'espérance est plus complexe. Elle concerne l'avenir, le futur. Elle est un mouvement de notre personne qui désire obtenir quelque chose en sachant que cela n'est pas possible tout de suite, qu'il faudra patienter.
Mais l'espérance chrétienne ne concerne pas seulement la vie présente, un objectif futur. L'espérance chrétienne, l'espérance théologale en Dieu, comme on l'appelle, est une vertu, une force qui nous entraîne jusqu'à la vie éternelle, la vie pleine et entière, la vie en Dieu. L'espérance chrétienne passe la mort pour désirer être un jour avec le Christ dans la gloire. C'est même cette espérance, manifestée par les martyrs, qui impressionnait les païens dans les premiers siècles chrétiens, à l'époque des martyrs.
Il faut donc accueillir en ce jour ce que la parole de Dieu nous révèle. Jésus, avant de quitter les siens, cite d'ailleurs l'Écriture. Il rappelle qu'Il est venu accomplir les Écritures et les promesses faites à Israël par le Père du Ciel. Le Christ ressuscitera, invitera à la conversion pour recevoir le pardon et avoir accès à une vie nouvelle. C'est cette vie nouvelle que Jésus a reçue au matin de Pâques, Ressuscité jaillissant du tombeau.
Il retourne vers le Père, et nous avons à témoigner de cette espérance dans laquelle il nous entraîne. Pour cela, l'Esprit-Saint nous est envoyé pour nous donner la force de témoigner et pour vivre du même esprit que le Christ. Il est désormais au Ciel. Il nous précède tous avec son corps ressuscité. Il est parti nous préparer une place ; à nous, d'orienter nos vies vers le vrai but de notre existence.
3/ Comment faire alors, comment vivre en nourrissant notre espérance ?
Il y a, comme pour toutes dimensions de la vie chrétienne, une dimension de combat spirituel concret, concernant l’espérance. Ce qui invite tout à la fois à une forme de défense et à une forme d'action, une forme d'ascèse et une forme de vie spirituelle. L'espérance chrétienne, pour qu'elle grandisse, pour que nous puissions l'entretenir, demande d'abord une forme d'ascèse. Cette ascèse, cet effort, consiste à se protéger des mauvaises nouvelles pour ne pas étouffer en nous la bonne nouvelle.
Il s'agit bien entendu de s'informer dans le monde dans lequel nous sommes, de vivre en contact avec notre monde, mais aussi en évitant de se laisser submerger. Michel Serres disait que depuis 100 ans, nous avons gagné jusqu'à 3h30 par jour pour nous, avec l'espérance de vie, mais que le problème est que nous les passons devant la télévision. Aujourd'hui, il s'agit des réseaux sociaux. Ces réseaux sociaux qui sont totalement dispensés d'éthique et où chacun peut dire ce qu'il veut et comme il veut. Là, il peut y avoir, chers amis, ce que Alain Duhamel appelait le « tout à l'égout de l'information ».
Sur Internet, il y a aussi la désinformation, les fausses nouvelles, les fakes news, les calomnies, les médisances, les complots. Pensez que le Vatican a dû annoncer que des images qui circulaient du pape Léon parlant d'un souverain africain qu'il valorisait étaient en fait des images générées par l'intelligence artificielle. De fausses images, de fausses informations, elles sont désormais partout.
Non seulement nous y perdons parfois notre temps, mais nous pouvons en surfant sur des mensonges et des complots y perdre réellement notre âme. Plus de paix intérieure, participation à la calomnie qui nous abîme.
Mais l'espérance chrétienne doit être surtout nourrie par la foi qui en est la substance.
Que devons-nous espérer ? C'est la foi qui nous le dit. L'espérance nous invite à quitter l'écran pour regarder le Ciel, pour regarder plus haut, plus loin, plus profond, avec un regard de charité. Cela suppose, disait Benoît XVI, deux choses essentielles. D'abord, prier, prier vraiment, parce que la prière nous ordonne au Ciel et à la vie éternelle. Et puis, pour élever notre cœur, notre âme, non seulement prier, mais aller vers ceux qui ont besoin d'espérance pour témoigner de l'espérance auprès d'eux. Pensons à toutes les personnes seules, pensons aux personnes malades, pensons aux prisonniers. Toutes ces personnes que nous avons à visiter, comme le dit Matthieu XXV, la finale de l'Évangile, le jugement dernier. Ce sont eux à qui nous apportons l'espérance, et en leur portant l'espérance, l'espérance grandit en nous.
Alors, chers amis, la vie n'est pas faite pour la mort, nos yeux ne sont pas faits d'abord pour les écrans. « Élevons notre cœur, nous le tournons vers le Seigneur », dirons-nous dans un moment, et bien vivons ainsi dans l'attente de rencontrer un jour le Christ dans la gloire.
Amen.
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