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"Suicide assisté"

Suite à l'avis favorable du CCNE, Comité Consultatif national d'éthique, l'Elysée a officialisé la création, dès octobre, d'une "convention citoyenne sur la fin de vie"...

Que faut-il penser d'un tel avis ? Et quelles en seront les conséquences à court, moyen et long terme ? Pour le personnel dit "soignant", pour la société et, tôt ou tard, pour chacun de nous. Il est difficile de le dire, mais au nom de la liberté individuelle, l'euthanasie risque d'être légalisée dans notre pays. Eclairage, à ce sujet, du père Jean-Marie Onfray. Il a été responsable diocésain de la pastorale de la santé pendant de nombreuses années et directeur adjoint du service national "Famille et société".

Mourir dans la dignité

Cette question revient régulièrement dans l’actualité médiatique. Nous avons du mal à envisager la mort aujourd’hui, car elle signifie la négation de tout ce qui donne sens à notre vie et à notre conception consumériste du bonheur. Dans le même temps, un lobbying constant est à l’œuvre depuis plusieurs années pour affirmer que la dernière liberté de l’homme est de décider de sa mort, le moment venu. Il n’est donc pas étonnant qu’une immense majorité de français répondent positivement à la proposition d’une fin de vie contrôlée pour ne pas souffrir inutilement. Il peut être bon de réfléchir aux enjeux de ce qui va nous être proposé comme un progrès dans la bioéthique, après quelques consultations citoyennes.

De quelle dignité parlons-nous ? 

Traditionnellement, on distingue la dignité dans les apparences, la bienséance, le paraître et la dignité inhérente à tout homme, du fait qu’il est homme (et pour les chrétiens, créé à l’image de Dieu). Nous pouvons avec raison nous battre pour la dignité de tout enfant conçu, de tout jeune, de toute femme, de tout prisonnier, de tout migrant, de tout handicapé, de tout malade et de tout vieillard... Ce principe qui est au cœur de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 est réaffirmé par le Comité Consultatif National d’Ethique en 1991 : « La dignité de l’homme tient à son humanité même ». Ce principe appelle des mises en œuvre pour être respecté, il entraîne des devoirs pour la société et chacun de nous. La dignité est une fin en soi et le philosophe Kant l’exprime à sa manière : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, comme une fin et jamais simplement comme un moyen ». Et nous constatons de plus en plus, dans le libéralisme ambiant, la possibilité de soumettre des personnes à des expérimentations scientifiques à but non thérapeutique, des personnes en situations d’extrême pauvreté poussées à vendre leurs organes ou à « louer leur ventre ». Désormais, l’éthique du vivant se heurte à des enjeux financiers et à l’affirmation de la liberté de la recherche. 

L’être humain est un être social

L’individualisme ambiant ne saurait nous faire oublier l’interdépendance entre l’essor de la personne et le développement de la société elle-même. La vie sociale n’est pas quelque chose de surajouté, elle est condition d’humanisation de l’être humain qui se reçoit des autres tout au long de son existence. La dignité se joue au quotidien dans la relation. Dans le respect de la parole donnée, dans le respect de l’absolue différence de l’autre, dans le respect des convictions, dans le partage de cette évidence « tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le vous aussi pour eux ». Or, depuis quelques années, nous vivons la dépendance comme une fatalité qui a un coût. La vieillesse est pensée comme un état pathologique et nous attendons une vraie loi sur la dépendance, avec des conséquences financières.  Nous savons l’importance de l’accompagnement pour les fins de vie aussi bien en institution qu’à domicile. Près de dix millions d’aidants soutiennent un proche dépendant en assurant une présence, en s’occupant de l’organisation des soins. La dépendance n’empêche pas le respect de l’autonomie de la personne. La prise de conscience de ses dépendances est un moment de vérité pour tout être humain. Nous sommes marqués par des déterminismes et des limites et ceci construit notre conscience individuelle. Nous ne pouvons confondre la dignité et la liberté, dans le sens de la libre disposition de soi. Le droit lui-même fixe quelques limites à cette liberté individuelle  qui ne peut être déterminante en dernière instance. Laisser entendre que des vies ne sont plus dignes d’être vécues, peut être extrêmement agressif pour certaines personnes en fin de vie ou dans des situations de forts handicaps.

Accompagner jusqu’à la fin

Nous pensons toujours à nos droits et nous risquons d’oublier nos devoirs. Ce sens de l’autre est au cœur de la pratique médicale, dans l’impératif du soin et du prendre soin. Devant une médecine de plus en plus technique, l’émergence des soins palliatifs est une chance trop peu connue et exploitée. Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire, en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance physique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. Nous avons en France, 152 unités de soins palliatifs, 426 équipes mobiles et 107 réseaux. Nous savons tous que cela est nettement insuffisant, devant les plus de 600 000 morts chaque année, dont 59% à l’hôpital. Il faut développer les soins palliatifs. Nous savons que certaines fins de vie médicalisées posent la question légitime de l’obstination déraisonnable. La loi Claeys Léonetti de 2016 offre cette possibilité, en phase terminale d’une affection grave et incurable, de mettre en place une sédation profonde et continue jusqu’au décès du malade, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie. Toute personne, majeure et capable, peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées sont révisables et révocables à tout moment. Mais Didier Sicard (ancien président du CCNE) a raison d’écrire : « Le progrès d’une société aujourd’hui comme nous l’a appris le vingtième siècle, se mesure à sa capacité de développer la solidarité, en protégeant et en entourant les plus faibles et non en facilitant leur disparition ». 

On meurt mal en France !

Ce slogan est souvent répété. Il ne vise personne précisément ou plutôt, il nous invite à regarder « en conscience » comment notre société ultralibérale renvoie chacun à sa solitude existentielle. Même en situation de pandémie, les soignants font tout pour être humainement présents aux personnes en fin de vie, dans les différentes institutions de santé. Mais dans nos rythmes et nos choix de vie, quelle place donnons-nous à la gratuité de la présence, à l’accompagnement des situations douloureuses ? Comment redécouvrir que la « bonne mort » est celle que l’on peut nommer lorsqu’elle approche et dont on souhaite parler en partageant nos sensibilités ? Le paradoxe est que le terme « euthanasie » veut dire étymologiquement « bonne mort » en confondant le « laisser mourir » et le « faire mourir ». Entrer dans une logique de donner la mort pour soulager ne peut qu’interroger les consciences.

Père Jean Marie Onfray

A LIRE

Le site de la CEF offre de nombreuses ressources sur le sujet.

Position de l'Eglise

« Rien ni personne ne peut autoriser que l’on donne la mort à un être humain innocent, fœtus ou embryon, enfant ou adulte, vieillard, malade incurable ou agonisant. Personne ne peut demander ce geste homicide pour soi ou pour un autre confié à sa responsabilité, ni même y consentir, explicitement ou non. Aucune autorité ne peut légitimement l’imposer, ni même l’autoriser. Il y a là violation d’une loi divine, offense à la dignité de la personne humaine, crime contre la vie, attentat contre l’humanité. »

Source : Déclaration sur l’euthanasie, Congrégation pour la Doctrine de la Foi, 5 mai 1980, partie II.